L’objectif a été de proposer la première estimation du bilan de l’insécurité routière en France corrigé du sous-enregistrement et de ses biais. La gravité lésionnelle est définie selon le New Injury Severity Score (NISS) ; la notion de séquelles est définie grâce à l’Injury Impairment Scale (IIS).
Le registre a constitué à la fois l’une des deux sources de recensement et la source qui dispose des informations sur les lésions, ces deux qualités étant indispensables pour cette modélisation.
L’analyse a reposé sur la combinaison de deux approches existant en épidémiologie : une méthode de capture-recapture et une méthode de projection analogue à la standardisation indirecte. La procédure d’estimation a été découpée en quatre étapes.
La première étape a consisté à prédire la gravité des blessés enregistrés dans les données des forces de l’ordre selon une l’échelle NISS.
La deuxième étape a consisté à améliorer le résultat du chaînage entre le Registre et les données des forces de l’ordre. Il s’agissait d’estimer le nombre de faux négatifs et de faux positifs et de les utiliser pour corriger le résultat du chaînage. Ces estimations ont été basées sur des calculs de probabilité.
La troisième étape a consisté en l’application de la méthode de capture-recapture aux données rhodaniennes, de manière plus sophistiquée que précédemment. Le sous-enregistrement était explicitement modélisé par un modèle multinomial logistique, ce qui a permis de prendre en compte tous les facteurs majeurs de biais de sélection mis en évidence précédemment. Cette modélisation a permis également d’estimer les coefficients de correction du sous-enregistrement entre les données des forces de l’ordre et le bilan complet, définis en fonction des facteurs de biais de sélection.
La quatrième étape a consisté en la projection proprement dite : les coefficients de correction, estimés au niveau rhodanien, sont appliqués aux données nationales des forces de l’ordre, en standardisant sur les facteurs de biais de sélection. Cette projection est analogue à la méthode de standardisation indirecte. L’hypothèse sous-jacente est celle d’homogénéité, sur le territoire français, des pratiques d’enregistrement des blessés, par type de force de l’ordre et par catégorie de blessés ; celles-ci ont été définies par la combinaison des facteurs de biais de sélection.
Les résultats ont été comparés aux rares estimations existantes par ailleurs. Ces comparaisons ont conforté les estimations du nombre de traumatisés médullaires en France, du nombre de traumatisés crâniens graves en Aquitaine.
Cette étude s’est déroulée en 2006-2007. Elle a fait l’objet d’une thèse en épidémiologie, d’un article dans une revue internationale, d’un article dans une revue française, et d’une importante campagne médiatique à l’issue d’un communiqué de presse de l’InVS.
Amoros E. Les blessés par accidents de la route : estimation de leur nombre et de leur gravité lésionnelle, France, 1996-2004 ; modélisation à partir d’un registre médical (Rhône) et des données policières (France). Thèse de doctorat, spécialité Épidémiologie. Université de Lyon, université Claude Bernard Lyon 1. 2007.
Amoros E, Martin JL, Lafont S, Laumon B. Actual incidences of road casualties, and their injury severity, modelled from police and hospital data, France. Eur J Public Health. Aug 2008, 18(4): 360-5.
Amoros E, Martin JL, Laumon B. Estimation de la morbidité routière, France, 1996-2004. Bulletin Épidemiologique Hebdomadaire. 2008, 19: 157-160.